Éditorial : Improvisation

Par Guy Bovet - La Tribune de l'Orgue, décembre 1997

Il est permis de rêver lorsqu'on voit ce qui s'est passé à Lausanne cet été. Quelques mordus ont mis sur pied un vrai festival d'improvisation à l'orgue. Le festival a eu lieu et on dit qu'il a été superbe. Il y a eu des concerts, des séminaires. Et en plus, la manifestation a eu du succès.

Conséquence de tout cela: il y aura un autre festival en août 1998.

Il vaut la peine d'applaudir. Il y a quelques lustres, il y avait eu quelque chose de semblable à Genève, mais le festival était interdisciplinaire et allait jusqu'à l'improvisation théâtrale. Il y avait eu des clowns, des organistes, des pianistes et des musiciens de jazz.

La manifestation lausannoise annoncerait-elle une nouvelle floraison de cet art sur nos rives? Il y a quelques phénomènes parallèles: l'autre jour nous recevions de Montreux tout un CD consacré à des improvisations. A Bâle, où l'on est pourtant plutôt conservateur, la très austère Schola Cantorum offre un cours d'improvisation (dans le style ancien) qui attire des participants venant de loin: entre autres, justement de Lausanne. L'art reprendrait-il enfin une place entière dans l'étude de l'orgue, après avoir été repoussé dans les petits coins obscurs par un répertoire toujours plus envahissant et exigeant toujours plus d'étude?

A vrai dire, le problème est là: il est presque au-dessus des forces des étudiants et des professeurs d'étudier ensemble simultanément et l'exécution et l'improvisation. Chacune de ces disciplines est un plein-temps. L'improvisation se travaille comme l'exécution et de-mande autant de temps. Certains l'ont compris: ils travaillent l'improvisation après avoir terminé leur diplôme d'exécutant et peuvent ainsi, comme il se doit, consacrer un 100% de leurs efforts à cette discipline.

Un pas reste à faire: susciter un enseignement d'improvisation liturgique parmi nos collègues organistes de paroisse. Il y a eu plusieurs essais ces années écoulées: aucun n'a vraiment donné quelque chose de solide, qui a tenu. On n'a pas réussi à installer une habitude. Pourtant c'est dans la liturgie que l'improvisation est en même temps la plus utile et la plus adaptée. Comme de toutes les bonnes choses, il ne faut pas en abuser, mais un(e) organiste sachant se débrouiller sera plus apprécié(e) et plus polyvalent(e).

Il est permis de rêver. Trouvera-t-on, peut-être, parmi les ardents Lausannois, quelqu'un pour reprendre en mains ce problème? Nos Associations arriveraient-elles à mettre sur pied un enseignement permanent et à la portée de tous et toutes, pour redonner une vraie base à un art réservé à quelques magiciens qui se gardent bien d'en laisser deviner les secrets et qui se le réservent pour conclure leurs brillants récitals? Et, qui sait, peut-être l'improvisation reprendra-t-elle racine en pays romand.

Il faut le souhaiter ardemment.

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