Premier Festival de Lausanne d'improvisation à l'orgue

Par Jacques-Michel Pittier - Revue musicale de Suisse Romande, juin 1997

Pour qui observe la vie musicale à Lausanne, les quinze années écoulées ont vu fleurir dans cette ville nombre de manifestations et de projets liés à l'un des instruments-rois de la musique: l'orgue.

De la restauration d'instruments à Saint-Laurent et à Saint-François à l'organisation de concerts dans ces mêmes lieux mais aussi à Saint-Jacques du Léman ou à Saint-Paul, sans parler des événements liés à la Cathédrale ou au proche Evêché, une poignée de musiciens et d'instrumentistes, de chanteurs ou simplement d'amateurs de musique ancienne ont redonné à ce répertoire et aux orgues elles-mêmes un regain de vie qui a très rapidement trouvé un large écho auprès du public.

Le travail inlassable de Pierre-Alain Clerc à Saint-Laurent et de Jean-François Vaucher à Saint-François, celui des organisateurs des concerts de l'AaMA entre autres, a permis de revitaliser tant les lieux que les instruments en faisant redécouvrir à de nombreux mélomanes lausannois des sonorités et des œuvres que le temps n'a pas altérées.

Pourtant, il n'est que d'écouter parler et jouer Jean-François Vaucher et son jeune confrère Gaël Liardon, pour comprendre que l'orgue n'est pas seulement un instrument à la tessiture fantastique mis au service des grandes œuvres écrites pour lui, mais qu'il peut aussi se révéler l'un des media musicaux les plus extraordinaires lorsqu'on se risque à ses claviers au périlleux exercice de l'improvisation. Car l'improvisation est une tradition profondément ancrée dans l'histoire de l'orgue, de l'Allemagne du nord à la Hollande ou à l'Espagne, dont la destinée première dans les églises était de souligner et de mettre en valeur la liturgie, avant qu'il ne gagne ses lettres de noblesse comme instrument proprement concertant avec entre autres les grands symphonistes français du XIXe et du tournant de notre siècle.

Or la tradition se perd, du moins si l'on se réfère à ce qui se passe dans le domaine de l'enseignement et des classes supérieures des conservatoires, et plus encore si l'on scrute le programme des concerts. Qui, en effet, se souvient en Suisse romande avoir assisté à un véritable moment d'improvisation à l'orgue, sinon presque à la sauvette à la fin d'un programme réussi, ou alors parce qu'au hasard d'une visite on a pris place dans telle ou telle nef pour y écouter en répétition l'organiste titulaire ?

Il faut bien convenir que ce n'est pas un exercice facile, et de loin. Ni gratuite, ni futile, l'improvisation s'apprend comme une discipline rigoureuse, elle a même ses canons, et constitue pour la musique - à notre avis du moins - l'une de ses vraies finalités en ceci qu'elle exhausse la part la plus noble d'un interprète, à savoir son sens artistique propre, sa maturité technique, l'envergure de sa culture musicale, et dévoile souvent les limites de sa maîtrise. Connaissant ces enjeux, on peut comprendre que rares sont les instrumentistes qui se risquent à ce genre de découverte au grand jour.

Ce "manque" ou cette lacune, comme on voudra, est ressenti aujourd'hui par les organistes, d'autant que les exemples illustres ne manquent pas (Bach et Sweelinck pour ne citer que les maîtres les plus connus, se sont illustrés de leur temps comme des improvisateurs géniaux, à l'instar de Liszt ou Chopin pour le piano, attirant dans les lieux où ils jouaient des foules souvent considérables).

C'est donc forts de ces constatations que Gaël Liardon, organiste titulaire de Villamont, Jean-François Vaucher et Pierre-Alain Clerc, ses homologues à Saint-François et à Saint-Laurent ont décidé de mettre sur pied le premier Festival d'improvisation à l'orgue, au clavicorde et tous instruments, qui se déroulera à Lausanne (Saint-François, Saint-Laurent, Saint-Paul et Villamont) du 24 au 28 août prochains.

Cette manifestation qui verra se dérouler quatre cours et neuf concerts d'improvisation a pour mérite de mettre en valeur les plus beaux instruments restaurés de Lausanne dont les caractéristiques propres "couvrent" la quasi totalité du répertoire organistique, et de faire venir quelques-uns des musiciens les plus renommés, certains titulaires d'orgues réputées dans leurs villes respectives, à savoir Michel Bignens de Vevey, Freddy Balta de Lausanne, Rudolf Lutz de Saint-Gall, Freddy Eichelberger et Pierre Pincemaille de Paris, Harald Vogel de Stade (Allemagne du Nord), Marcello Giannini et Lionel Rogg de Genève, et enfin Rudolf Meyer de Winterthur. L'entrée aux concerts sera libre. Quant à l'inscription aux cours, il en coûtera par cours Frs 40.- aux auditeurs et Frs 50.- aux actifs.

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